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« Répondre #14 le: 09 Mars 2009 à 20:36:47 » |
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Le point de vue de Ph. WEGNEZ, président du Cercle des entomologistes liégeois. 9/03/09
en italique : réserves de ADMIN-modérateur :C.Thirion!
Merci Phil, guère de "courageux" pour donner leur avis!
Camille
Bonjour,
Je veux bien me prêter au jeu de cette enquête afin d’essayer de débloquer les choses et, peut-être, d’améliorer les conditions dans lesquelles nous sommes parfois obliger de « travailler ».
Les remarques reprises sur le « formulaire » que l’on m’a transmis couvrent toute la problématique des inventaires mais doivent être, à mon avis, scindées pour pouvoir y répondre.
Avant de parler des autorisations, des refus, des contraintes, … je voudrais attirer votre attention sur le fait que les « gens », et de ce fait les autorités, ne portent pas le même regard sur un papillon, une libellule, une mouche, une guêpe ou une fourmi. Il y a donc, au départ, un aspect « sensiblerie » qui peut jouer en faveur ou en défaveur du demandeur et/ou du groupe étudié.
Pour ce qui est des autorisations !
Quel que soit son statut (chercheur, naturaliste, collaborateur d’université, …) il est normal (obligatoire) de demander une autorisation pour circuler sur un terrain qui ne vous appartient pas. Si ce terrain est de libre accès (hors réserve) il est également normal (obligatoire) de demander une autorisation pour pouvoir y prélever des plantes ou des animaux. C’est une question de bon sens, voir simplement d’éducation.
Ok pour le domaine privé mais le publique ?Quid des excursions scolaires ?
Maintenant, je pense que le problème qui se pose est de savoir à qui demander et quelles vos être les péripéties pour obtenir une réponse. Pour ma part, je passe d’abord par les gestionnaires, la DNF, les conservateurs ou tout responsable d’une réserve. Je me présente et je décris ma demande, le pourquoi du comment
Effectivement, la demande est faite pour un inventaire fourmis et comme je l’ai dit plus haut, les fourmis font partie d’un groupe qui ne tracasse personne. 10 fourmis de moins dans une colonie, ça n’a aucun impact sur la survie même de la colonie. Jusqu’à présent, je n’ai jamais essuyé un refus, bien au contraire. Tous les responsables qui m’ont permis d’aller prélever ces fourmis dans « leurs » réserves ont toujours été très ouverts et contents d’obtenir ces données. Dans le cadre de mon travail, je suis allé une journée, durant plusieurs semaines, dans le sud de la Belgique et pour ne pas devoir refaire le trajet, le we, j’ai inventorier les fourmis de cette région (frais de déplacements, écologie, …). J’ai demandé à un ingénieur de la DNF pour pouvoir prospecter dans une réserve de sa région. La réponse a été positive, il m’a juste demandé de prévenir le garde responsable de ce secteur et de transmettre mes résultats. Non seulement j’ai inventorié les fourmis mais en plus j’ai découvert une nouvelle station de mante religieuse et de lézard des souches. Je pense que cela en valait la peine, pour tout le monde. Moi aussi, jamais essuyé de refus mais ce n’est pas légal, théoriquement seul le cswcn est habilité à donner ces autorisations …
Il semble maintenant que, légalement parlant, les responsables de toutes ces réserves (conservateurs, gestionnaires, DNF, …) ne peuvent pas donner ces autorisations ! Bon, peut-être. Mais qui verbalise ?? Les agents de la DNF ! Si ils sont d’accord, je ne vois pas qui va verbaliser !
C’est bien le paradoxe et selon leur sensibilité, on peut avoir des réactions diverses soit par manque de formation de leur part ou par parti pris !
Je reste également persuadé que si j’avais demandé à toutes ces personnes de pouvoir capturer et tuer des papillons, ils auraient refusé. J’ai également introduit des demandes d’autorisations au conseil supérieur wallon de la conservation de la nature et jusqu’à présent je les ai toujours eues. Oui c’est lourd, oui c’est embêtant mais en restant dans la limite du raisonnable (de la légalité) il me semble que les gens sont encore prêt à collaborer. Sans aucun doute !
Tout à l’observation !
Oui, bon nombre de journées grand public sont consacrées aux coccinelles, aux libellules et aux orthoptères car ces groupes sont très attractifs aux yeux du public et de détermination assez simple sur le terrain. On ne peut pas espérer sensibiliser les gens aux insectes en leur parlant de guêpes et de fourmis, hélas!
De mon expérience, pas sûr, parce qu’on leur rabat les oreilles dans les médias avec les mêmes banalités et que cela lasse ! Certains ne demanderaient pas mieux que d'élargir le champ des approches!
Pour la majorité des groupes étudiés, l’utilisation d’une loupe binoculaire est nécessaire, voir indispensable, pour réaliser des déterminations correctes. Il faut donc mettre à mort, l’insecte.
Les observateurs font tout autant de dégâts sur une station que les récolteurs,parfois plus à cause du nombre de visites ou de visiteurs, pourtant dans une réserve, les uns seront tolérés et les autres pas bienvenus ! Là, j’émets des réserves par exemple sur le site Observations.be, je vois des erreurs (Trichius, Bombus…. et sur les collaborateurs bénévoles de ce site ou des Atlas wallons, j’émets des réserves aussi même s’il y a contrôle « à posteriori » des données. De plus, cela va nécessairement nuire à la qualité des atlas antérieurs! Comme le prévoyait le Logiciel de Barbier, Rasmont and co, les données doivent avoir une cote de fiabilité et comporter une distinction observation ou récolte, elles peuvent être complémentaires sans s'exclure ! En botanique, on signale des cultivars horticoles des Mae entrés sur l’Atlas des plantes ! Au vu des erreurs sur les forums simplement pour les trois piérides blancs communs, sur les odonates ou les orthoptères qui ont des phases immatures à l’état adulte, je crois que l’on rêve pour ces groupes dits aisés à identifier! Mais comme tu le soulignes ; cela permet de découvrir des sites intéressants ou des espèces rares ou nouvelles, à condition que les compétences sur ces espèces se rendent sur les lieux pour confirmer ! S’il n’y a pas prélèvement, c’est parfois impossible !
La critique, l’incompréhension, l’injustice, …
Pour l’avoir vécu, je ne crois pas que c’est rendre service à la biodiversité que de hurler quand quelqu’un peut aller inventorier (fourmis, par exemple) dans une réserve ou ailleurs alors qu’un autre s’est vu refuser l’accès pour des carabes ou autres insectes. Il faut accepter cet état de fait. Attention aux amalgames ; la réputation, les divergences d’opinions, les règlements de compte, … tout est bon pour se voir refuser un accès à un terrain et là aussi je ne vois pas pourquoi il faudrait charger ceux qui ont eu la chance de pouvoir y aller.
Moi non plus à condition que les critères soient clairement définis !
Il faut savoir ce que l’on veut ! Améliorer notre connaissance de la biodiversité d’un milieu ou pouvoir se « vanter » d’avoir accès partout et d’y faire tout ce que l’on veut. A méditer !
Le problème ne se posera pas en ces termes, les malandrins sont généralment identifiés par la communauté entomologique et les vrais pilleurs ne demandent pas d’autorisation !
Pour tout le reste des préoccupations et ce qui précède voici ma conclusion. Oui, il faut pouvoir inventorier la faune et la flore car on ne peut pas protéger ce que l’on ne connaît pas. Mais je souhaiterais aussi attirer votre attention sur le fait que tout système engendre des dérives (d’un côté, comme de l’autre) et qu’il n’est pas concevable de donner carte blanche pour faire tout et n’importe quoi sous prétexte que l’on est collaborateur d’un institut ou d’un autre ou parce que l’on est celui qui fait classer des terrains en réserve, …
A mon humble si jusqu’à la première incartade avec avertissement ensuite sévir et il ne faut pas oublier les novices qui n’ont pas de passé, d’appuis ou qui ne connaissent pas les espèces protégées ou les règles. Ici encore les étudiants qui doivent s’initier aux composantes zoologiques ou botaniques, ils sont parfois inquiétés, que faire avec leur cas ? Il faut trouver un système qui permettrait, à tout un chacun, d’effectuer des inventaires dans toutes les zones jugées intéressantes mais sans pour autant massacrer des dizaines d’espèces sous prétexte d’inventaires.
Le mot massacre est inconvenant, même un piège n’est jamais la preuve d’un massacre, la densité des captures étant le reflet des populations existantes de chaque espèce.
Il existe en effet, dans toutes les universités, des dizaines de bocaux remplis d’insectes et autres arthropodes issus de capture par piégeage et qui sont là depuis, parfois, plusieurs dizaines d’années. Personne n’y prête attention mais les bocaux s’accumulent d’année en année. Ensuite, il y a des milliers d’insectes en collection dont on n’a plus le temps (personnel et argent) de s’occuper et qui parfois sont littéralement détruits par d’autres insectes. Pour ces deux situations, je souhaiterais aussi que l’on trouve une solution.
Ce n’est pas tout à fait exact : à l’IRScNB par exemple, tout chercheur amateur ou pro peut avoir accès à ce matériel souvent trié par ordres sans problèmes et à Gembloux aussi sur demande peut-être anticipée à l’opération de piégeage ! Il faut savoir que même si il y a perte de données, les piégeages de Dufrêne ont certainement permis d’en savoir plus sur les carabes et notamment sur les répartitions « en poche très localisée » de certaines sp. Personnellement, si Gembloux n’avait pas piégé dans le cadre du PIB, il me manquerait des tas d’espèces dans ma liste , que je ne prends jamais au filet ! On ne peut pas produire un schéma général de durée, de dates, de lieux ou de moyens, chaque groupe ayant ses spécificités :, le genre Ichneumon, je prends les femelles au piège entonnoir enterré !
En ce qui concerne les « gestions », on gère toujours en fonction d’un intérêt personnel (orchidées, libellules, papillons, …) sans se préoccuper du reste (que l’on ne connaît pas, la plupart du temps). Il est impossible d’effectuer des gestions pour le bien d’une globalité, les gestionnaires sont obligés (à tort ou à raison) de cibler un ou plusieurs groupes d’insectes et/ou de plantes pour gérer leurs réserves.
Ici, je ne suis pas d’accord, gérer n’est pas « jardiner »,il faut voir un milieu dans sa globalité comme un témoin d’une portion de l’espace sauvage à prendre en considération, et je ne vois d’intérêts pour une réserve que si elle s’intègre dans le cadre d’un parc naturel ! Exemple que je viens de vivre : Mochamps,LIFE les projets nuisent à un nombre d’espèces que je tenais à l’œil depuis vingt ans, parce que l’on privilégie certains groupes ou espèces ! Je parie que la faune des odonates liées au ruisseau qui traverse cette travée a vu sa composition modifié par la mise en lumière sur plusieurs kms. J’ai constaté la même chose à Sossoye, Montagne noire, c’est difficile à quantifier ou à qualifier, je sais ! Gérer pour une espèce ou un groupe n’est pas un solution à mes yeux car on n’en arrive à ne plus protéger que des pelouses sèches, des friches humides ou des vieilles forêts selon les thèmes du moment!
Pour finir, je dirais qu’un système est en place et qu’il faut lui faire confiance car même s’il est loin d’être parfait, il sert néanmoins de garde fou à toutes sortes de dérives. Il faut compter (peut-être utopique) sur le bon sens des conservateurs, des agents de la DNF, … pour nous permettre, dans certains cas, de faire ce qu’il faut pour améliorer nos connaissances de cette biodiversité dans la limite du raisonnable.
De mes rencontres dans le milieu forestier, il y a des interlocuteurs formidables mais rarement entendus et des autres !
Ces propos n’engagent que moi et il va de soit que des solutions pourraient être trouvées à condition que ce soit aussi le souhait de l’administration responsable.
Je pense qu’il y a une ouverture et leurs agents sont aussi perplexes que nous devant les lois existantes !
Cordialement Philippe WEGNEZ
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